vendredi 14 avril 2017

Heures de velours sur la Via Arverna …avec Marie-Héléne Lafon !


Daniel Kiernan, Bernard Quinsat, Marie-Héléne Lafon, Wilton Maurel, Laurette Quinsat, Humbert Jacomet .


Pour nous Marche et écriture allant de pair, j'avais proposé à Marie Héléne Lafon que nous passions ensemble un moment sur la Via Arverna
pour échanger et lire des textes venant en résonance avec le film qui est en train d'être réalisé * :
les pays, les chemins, les corps, les bêtes … 
comme à la recherche d'une formulation qui n'a de cesse de nous échapper .
N'écrit-elle pas dans " Traversée " :
" Je me promène, je marche, même encore aujourd'hui je ne sais pas quel mot utiliser …"
ces mots qui manquent et qui se cherchent…
On pense au " Premier Mot " de Pierre Bergounioux,
et au " Nom au bout de la langue " de Pascal Quignard
on devine des mots réfugiés " dans des temps anciens qui défient la mémoire et furent sans paroles "
…toujours dans " Traversée "
La rencontre a eu lieu mardi dernier et " nous avons ensemble, là-haut, partagé de riches heures de velours "
ce sont les mots même de Marie-Héléne



" Il y avait une fois trois pélerins, trois pélerins de Dieu qui allaient à Saint-Jacques …" ainsi commence " Le coq qui chante ", tout droit sorti du Trésor des contes d' Henri Pourrat  que vient de lire MH Lafon , puis perchée sur l'autel pour désigner le coq réssuscité, lui même perché sur une colonne comme on le voit sur la peinture murale de l'église de Virargues …




Sous l'œil de Wilton et sur fond de Chastel / Murat, ça va lire ! Marie-Héléne : Pierre Présumey et BQ : Philippe Claudel .


On sait en quelle estime elle tient Pierre Présumey , aussi chemin faisant elle puisera abondamment dans son dernier opus : " Aller son chemin " .

Ainsi : " Le chemin dans le paysage serait un réservoir de formes, de couleurs, de tâches de lumières et de tâches d'ombre. Le peintre et le rêveur en ferait alors semblable usage. Mais cette image de réservoir est fausse et fait croire que l'homme dispose de ce que lui propose le chemin. Ne serait-il pas plus juste de dire que c'est au contraire le chemin qui dispose, d'un bout  à l'autre de l'affaire ?
Du moins pour le promeneur, que je distingue ici du pélerin et du randonneur: ces deux-ci font leur chemin , alors que c'est plutôt le chemin qui fait le promeneur. " PP .


Toujours à Virargues . La "Petite Marie " semble étonnée par ce " bel et grand escogriffe"  qui a tous les talents et qui en montant au clocher entonne une bourrée à deux temps . Mais pourquoi donc Wilton,  une bourrée de Basse-Auvergne sur les hauteurs du Cantal ? 

Et le BQ même pas cap de faire le Coq !
A peine publié cet article , sur l'air de " tu sais ce qu'il te dit l' Escogriffe "  la réponse ne s'est pas faite attendre : " Bernard Quinsat, Marie Hélène Lafon, Humbert Jacomet, Laurette et un escogriffe qui chante une chanson de coq à trois temps du Cantal sur le clocher, "Auvetz que lo jaï chanta", peut-être parce que celui de la légende des pendus ne le chante pas ? Ah oui et bien sûr : les villages, les mots, et les tourbières qui surplombent le pays coupé des alentours de Murat . Wilton "






Notre derniére visite de la journée pour la  Collégiale  Notre-Dame des Oliviers à Murat afin de découvrir le tableau qui représente Saint-Jacques et des pélerins . Tout est sombre on s'éclaire avec nos smartphones, on aurait pu nous prendre pour des voleurs ! D'aucuns dans les chemins auraient alors pensé découvrir nos traces, sauf que…sauf que ce n'étaient pas des traces de pieds humains !
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Sur la paroi nord de la chapelle qui sert de vestibule à la sacristie de la Collégiale Notre-Dame de Murat, est accroché un singulier tableau. Tout en clair obscur, on eut tôt fait de l'attribuer à "l’École espagnole". C'est ainsi du moins qu'en jugea d'emblée Paul de Chazelles, auteur, vers, 1860 de l'article consacré à Murat dans le Dictionnaire statistique du département du Cantal, initié par M. Déribier-du-Chatelet (Volume IV, Aurillac, 1861, pp. 456-457).

  Chazelles était d'autant plus porté à trouver à cette œuvre une origine espagnole qu'il avait parfaitement reconnu dans l'une des deux saynettes peintes en fond de toile l'épisode saillant d'un miracle opéré en Espagne dans "la ville de la Calzada" qui se trouve dans la Rioja entre Logrono et Najera, sur le Camino Real Francés. Le plus étonnant, en effet, c'est que Paul de Chazelles déclare sans ambages avoir été témoin de "ce qu'il rapporte": "Le voyageur qui entre dans l'église de la Calzada", écrivait-il, "est surpris de voir des coqs et des poules en liberté dans son enceinte. Je fus de ce nombre". C'est que Chazelles avait été dans ses jeunes années l'un de ces glorieux Cent-Mille Fils de Saint Louis partis tambour battant remettre le roi d'Espagne sur son trône. Honnis du temps de Napoléon et de son frère Joseph, dit "Pepe Botella", les Français eurent alors le vent en poupe et il n'est pas surprenant que le fringant officier ait pu visiter l'église de la Calzada sans être inquiété le moins du monde et interroger-là "un ecclésiastique" sur la présence incongrue de "ces volailles" dans un lieu saint. A l'en croire, personne de son temps, à Murat, n'avait souvenance de cet incroyable miracle.…suite du texte d' Humbert Jacomet à la fin de cet article…

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" Les chemins partent .
ils sont parfois presque oubliés. Ils ont existé, ils ont été là, des bêtes les ont traversés , des enfants les ont suivis, les soirs et les matins, avant et aprés l'école; et celles qui allaient à la messe, et ceux qui revenaient des foires, et les jeunes aprés la danse, le cœur pris, la tête perdue .Les chemins, jadis, avant le temps des routes bleues, ont irrigué seuls le vaste corps des terres vives; on voit, les traces le disent, tellement décidées, certaines et lisibles …  Les chemins sont opiniâtres. Ils parcourent et nervurent, au présent de chaque jour. Ils effleurent des maisons effacées, débusquent des hameaux les plus infimes. Ils ont des secrets, ils sont des secrets… J'ai en bouche le goût des chemins, goût de soir mouillé, d'air cuit de soleil, goût de neige quand elle va venir, quand elle est venue, quand elle est là, qui comble le chemin, le remplit, le déborde. Le chemin ressurgira, au temps doux,restitué, lavé, équarri.Toujours les chemins reviennent à eux, donnés, ouverts ." Derniére lecture ce jour là chez Daniel Kiernan qui nous a accueilli dans sa Librairie rurale " Aux belles lettres " .  Marie Héléne a lu " Chemins" tiré de son petit bouquin " Album "
 
"

… suite et fin de l'article d' Humbert Jacomet :

 Mais tout à son explication, en partie erronée d'ailleurs, Paul de Chazelles n'a pas compris qu'il y avait eu avant lui, à Murat même, de vivants témoins de ce prodige, qui, eux aussi, en avaient entendu narrer l'histoire. Certes Chazelle a bien relevé le nom du donateur de l’œuvre, "Anthoine Malasagne dit Dreitou" d'origine incontestablement murataise, mais par un aveuglement bien étrange il n'a pas remarqué que les six personnages agenouillés sur la gauche du tableau étaient des pèlerins de "Monseigneur Sainct Jacques en Compostel", pourtant bien reconnaissables à leurs grands bourdons. Il est vrai, et il faut le dire à sa décharge, que si l'ancien militaire avait pu discerner la moindre coquille de Saint-Jacques sur cette peinture, nul doute que les écailles lui seraient, pour ainsi dire, tombées des yeux! Mais la toile probablement déjà recoupée pour tenir dans son nouveau cadre ne laissait paraître, comme aujourd'hui, ni signature, ni la moindre date qui eussent pu le mettre sur la piste. Plus près de nous, Owen Merton et sa femme, tous deux artistes vagabonds, aperçurent-ils jamais cette toile, lorsque, ayant séjourné à Murat au mois de décembre 1926, ils décidèrent d'y laisser leur fils Thomas s'y refaire une santé l'été suivant auprès des époux Privat qui les avaient si gentiment reçus? Las, l'écrivain cictercien qui évoque pourtant, comme en passant, Notre-Dame des Oliviers, à propos d'une "petite feuille jaunie, imprimée en Auvergne", qui lui tomba sous les yeux le 29 novembre 1951, n'en souffle mot dans son "journal" publié sous le titre "Le signe de Jonas - The sign of Jonas", en 1955, traduit peu après en français par Mme Marie Tadié (Paris, Albin Michel, 1959, p. 349).

 Reste que ce tableau qui se trouvait alors dans la sacristie et, à propos duquel Henry Delmont se contente de résumer l'exposé de Paul de Chazelles, ne laisse pas d'intriguer. De fait, hormis le grand bâton à double pommeau agrémenté d'une petite calebasse, rien ne permet d'identifier le protagoniste qui occupe toute la hauteur de la toile comme étant Jacques le Majeur, l'aîné des Fils de Zébédée. La physionomie de ce visage barbu autant que les pieds déchaux, la tunique mauve non moins que l'épais manteau jaune qui, drapé en écharpe depuis l'épaule gauche, enveloppe le reste du corps, pourraient convenir au Christ comme à l'un ou l'autre de ses apôtres. Mieux, le mouvement de la main droite qui évoque tout autant un geste de salutation qu'une esquisse de bénédiction, n'est pas sans faire songer à la vision du Sauveur ressuscité au lendemain de sa Pâques. Autant dire que, si saint Jacques il y a, son apparition sur cette toile semble se superposer à celle du Christ faisant irruption au Cénacle au milieu de ses disciples effrayés, dont elle paraît être l'exact réplique. Il n'est pas jusqu'aux paroles prononcées par le Christ: "La Paix soit avec vous", qui ne se devinent sur les lèvres du saint pèlerin.

 Au demeurant, qu'il s'agisse bien ici du Majeur, frère de Jean l’Évangéliste, c'est ce que confirment deux épisodes de sa légende figurés sur la toile de part et d'autre du saint, même si le peintre a omis de le doter d'une auréole. A sa gauche, l'on aperçoit en contrebas d'une ville imaginaire que tours et dômes désignent comme étant Jérusalem, le supplice par décapitation d'un condamné qui s'est agenouillé en joignant les mains. Levant les deux bras, le bourreau se dispose à exécuter la sentence prononcée par le juge que représente ici un simple huissier pressé d'en voir la fin. La scène est conforme à ce que les Actes des Apôtres disent de la "décollation de saint Jacques" perpétrée par Hérode Antipas l'an 44 de notre ère. Quand bien même cette interprétation n'emporterait pas la conviction, le miracle qui lui fait pendant lève toute incertitude quant à sa relation entre cette peinture et l'apôtre vénéré en Galice. Au premier plan, l'on discerne une table dressée, couverte d'une nappe. Deux personnages de petite taille paraissent agenouillés vers la droite, tandis que l'animation insolite qui règne parmi les convives s'interpelant les uns les autres, trahit leur émoi. C'est que la poule au pot qu'ils s'apprêtaient à dévorer de grand appétit vient de surgir du plat, son plumage éclatant plus blanc que nature. Ce spectacle inattendu atteste aux yeux du juge ébahi que le malheureux dont le corps pantelant tourne sur sa corde à la traverse d'une potence silhouettée juste au-dessus, est bel et bien vivant. La chose est d'autant plus incontestable qu'un petit ange prosterné soutient l'innocente victime par les pieds. On reconnaît-là sans peine l'histoire fameuse entre toutes du "pendu dépendu", dont Henri Pourrat, sous le titre "Du coq qui chante", recueillit la nouvelle dans le Trésor des Contes (Paris Gallimard, Tome VIII).


 Ce récit merveilleux évoque à lui seul l'odyssée vécue au péril de leur vie par les six pèlerins qui, mains jointes, chapeau bas et bourdon à l'épaule, se sont agenouillés en tenue d'apparat aux pieds du grand apôtre dont ils sont allés quérir les suffrages à Saint Jacques de Compostelle. Visages graves, regards perdus, cette série de portraits reflète comme un instantané ce moment solennel entre tous où chacun d'eux s'est agenouillé devant le disciple du Christ ressuscité dont ils ont embrassé l'effigie au cœur de son sanctuaire de Galice, à la lueur vacillante d'une armée de cierges. A présent, les traits immobiles de ces hommes sont fixés pour l’éternité dans l'attente de la venue de celui qui sera leur avocat au jour du jugement. En lui, ils ont mis toute leur espérance et c'est ce dont cet ex-voto est appelé à témoigner auprès de la communauté des fidèles de Murat. Qu'il faille voir ici des membres convaincus et transis de la confrérie des pèlerins de Saint-Jacques de cette ville de Haute-Auvergne, endimanchés pour la fête de leur saint patron, un quelconque 25 juillet, ayant effectué de conserve leur pèlerinage dans la seconde ou la troisième décennie du XVIIe siècle, il n'en faut pas douter. Il est même permis de croire que le personnage le plus proche de l'apôtre, celui qui a passé un chapelet dans ses mains jointes et qui porte sur une barbe carrée des moustaches à la Henri IV, n'est autre que le commanditaire de cet ex-voto: "Anthoine Malasagne dit Dreitoy". De surcroît, il n'est pas interdit de penser que ce personnage a été le conducteur et le chef de la petite troupe, celui en qui chacun avait mis sa confiance.

 Humbert JACOMET, Saint-Saturnin, le 4 Mai de l'an de grâce 2017.

 Pour maître Bernard Quinsat.

A une autre fois !













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