lundi 15 février 2016

Notre Dame du Port : Un atout qui reste à exploiter

Article in : Site Info Magazine aujourd'hui Lundi 15 février 2016 .
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Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la célèbre basilique rayonne pourtant au-delà de Clermont-Ferrand…Mais la rue du Port et son quartier en profitent-ils vraiment ?

 1 – Nichée dans le quartier du Port, la célèbre Basilique Notre-Dame bénéficie du label mondial de l’UNESCO.

Le sort réservé par l’UNESCO à la Chaîne des Puys / Faille de la Limagne sera scellé au début de l’été. Si l’on en croit les efforts déployés par le Conseil départemental, le label de patrimoine mondial constitue un sésame précieux. Une reconnaissance suprême qui ouvrirait sur d’alléchantes perspectives en matière touristique, presque une assurance de développement garanti…
On l’ignore parfois, mais Clermont-Ferrand figure déjà dans ce précieux registre. La ville bénéficie, en effet, d’un monument classé au patrimoine mondial de l’UNESCO : la basilique Notre-Dame-du-Port. Ce joyau, fondé au 6ème siècle puis rebâti aux 11ème et 12ème, a reçu la reconnaissance mondiale en 1998.
Pour lui redonner son lustre d’antan, la Ville de Clermont-Ferrand, qui en est propriétaire, a injecté 3.189.755 euros de travaux dans le bâti et ses abords entre 2007 et 2014. Cette rénovation a été récompensée en 2009 par un Ruban du Patrimoine de la Fédération Française du Bâtiment.

Mais est-ce suffisant ? Pas si sûr. D’abord, le badigeon intérieur donne déjà des signes de fatigue. Ensuite, la crypte et la sacristie n’ont pas été rénovées. Surtout, les immeubles délabrés devant l’édifice ne sont pas du plus bel effet… La faible activité commerciale de la rue du Port, qui fut autrefois prospère, donne également l’image d’un quartier en perte de vitesse.

« Rien n’est fait… »


2 – La basilique est cachée par des immeubles en déshérence… Comment les utiliser et les valoriser ?

Les commerçants de la rue du Port ont pleinement conscience de travailler dans une rue « pas tout à fait comme les autres ». Avec quelque chose en plus… Ils voient en effet des touristes arpenter les trottoirs, des visiteurs venus d’ailleurs se balader l’appareil photo en bandoulière. Près de 100.000 personnes fréquenteraient l’édifice chaque année…
Malheureusement, ce flux entraîne peu de retombées économiques pour les boutiques. « La fréquentation touristique est réelle mais les gens n’ont pas envie de rester » regrette Alban Pereira, antiquaire rue du Port et président de l’association « Espace Delille » qui réunit les commerçants du quartier. « La première vue que les touristes ont, ce sont les trois immeubles délabrés devant la basilique. En matière d’accueil, il y a mieux. Il existe aussi un manque de fléchage, de signalétique ; le bâtiment, enclavé, n’est pas facile à trouver. En réalité, rien n’est fait pour aménager les abords de la basilique, cela dure depuis plus de vingt ans…La ville a peut-être des projets dans les cartons. Mais nous ne sommes pas tenus au courant… »

 3 – « Rien n’est fait pour aménager les abords de la basilique » regrette Alban Pereira, président de l’association « Espace Delille. »

« Réenchanter le quartier »

Et si la rue du Port menait à Saint-Jacques-de-Compostelle ? C’est en tout cas au titre des fameux Chemins que Notre-Dame a obtenu le label UNESCO. Bernard Quinsat, chantre de la Via Arverna, la voie menant les pèlerins de Clermont vers la ville espagnole, s’efforce de mettre en lumière cet itinéraire bis avec l’association « Colportage ». Une convention lui permet d’utiliser un local appartenant à la ville au 49 de la rue, devant la basilique.
Malheureusement, en l’état, cet espace n’est guère utilisable. Il ne dispose pas de chauffage, les carreaux sont cassés… A terme, pourtant, Bernard Quinsat espère récupérer les trois immeubles inoccupés et à l’abandon. « Je voudrais y réaliser un vrai point d’accueil, des espaces d’exposition, de rencontres, d’événements et aussi une hospitalité de 5 ou 6 lits pour abriter des pèlerins de passage. »

Mais le projet de Bernard Quinsat est plus global. Il imagine qu’autour de Notre-Dame-du-Port et de la Via Arverna, le quartier pourrait retrouver un élan. « Je veux bâtir quelque chose autour du sacré, de l’art roman, autour du voyage, de l’imaginaire, quelque chose qui fédèrerait… Je pose le principe de « Port, voyage compostellan », celui d’un véritable village avec des évènements, des fêtes autour du vin ou de la cornemuse, une ouverture et une fin de saison. L’idée est de réenchanter le quartier. »
Dans son sillage, il tente d’inciter, de convaincre. Le Diocèse, par exemple, est sensible à sa vision. « C’est un projet que l’on soutient. Tout ce qui peut donner de la vie sera bienvenu » souligne Paul Destable, le prêtre de la paroisse Notre-Dame de Clermont, qui participe à sa façon à l’animation du quartier. La députée Odile Saugues apporte elle aussi son aide au travers de la réserve parlementaire. Quant à la Ville de Clermont : « Elle montre un certain intérêt mais elle ne me fait pas tout à fait confiance. Elle hésite à franchir un palier… » observe Bernard Quinsat.



4 – Bernard Quinsat : « Bâtir quelque chose autour du sacré… »

Une étude pour valoriser le quartier

Quel est le point de vue de la municipalité ? Grégory Bernard, adjoint à l’urbanisme, regarde le sujet de près. Et partage l’idée d’une vision d’ensemble. « Le label UNESCO de la basilique doit « contaminer » le quartier » estime-t-il.
Pour y voir plus clair, une étude a été commandée au cabinet parisien Grahal, spécialisé dans le patrimoine. Le périmètre s’étend de la place Gondard, derrière la mairie, à la place Delille, avec pour axe directeur la rue du Port et comme point particulier les abords de la basilique. Le diagnostic achevé, plusieurs scenarii de valorisation urbaine, culturelle et patrimoniale vont être discutés. Une proposition devrait faire surface dans le courant du mois de mars. « Cette étude nous permettra de défendre une position éclairée et concertée avec les différents acteurs » insiste l’élu.
Certaines réflexions sont toutefois avancées. Notamment concernant l’avenir des vieux bâtiments qui cachent la basilique… Faut-il les raser définitivement ? Les détruire pour les construire ? Les réhabiliter ? Grégory Bernard parle d’un « scénario médian » Sous entendu : le spectre de la démolition pure et simple s’éloigne. Une décision qui devrait rassurer le prêtre Paul Destable. « Cette église n’a jamais été construite pour être au sommet d’une colline et vue de tout le monde. Elle est bâtie au milieu des maisons. La cour elle-même est un sas, un narthex, entre la rue et la sacristie. »
L’avenir du quartier du Port est transversal. Et concerne évidemment la question du commerce. Saïd Akim Bara, l’adjoint en charge du dossier, admet que la rue du Port « se cherche » et qu’elle est « en mutation. » Des réflexions sont engagées pour que la rue et son secteur « retrouvent une âme ». La municipalité se demande par exemple comment elle pourrait accompagner ceux qui « portent une nouvelle forme de commerce ». Mais lequel ? Motus…
Pour conforter ce « processus de dynamisation », elle envisage de créer un droit de préemption sur les fonds de commerce et d’interdire leur transformation en logements sur certains secteurs. Des perspectives qui ne concernent pas seulement la rue du Port mais pourraient contribuer à lui donner un nouveau souffle… Bref, il se passe des choses autour de Notre-Dame-du-Port mais il reste toutefois à définir un projet fort…

© Photos Valentin Uta




5- Une image du projet de Bernard Quinsat.