dimanche 22 novembre 2009

Jean ROME " Libraire de Garde " …Mercredi !

Je me souviens du grand bonheur qui fut le mien de me retrouver sur la liste - somme toute limitée - de ceux à qui Maguy offrit la possibilité d'écrire quelques phrases sur Jean Rome - disparu en Novembre 2008- en vue de les éditer pour la rencontre qui nous réunit ce soir.

Je me souviens de m'être attelé à plusieurs reprises à la tâche et de ne pas y être arrivé et je me souviens bien sûr des bonnes raisons que je me suis alors inventées, avec comme d'habitude : l'urgence d'autres engagements comme ceux de la vie ordinaire, le manque de temps et pourquoi pas la fatigue attachée à cette période précise de l'année et puis, l'échéance est arrivée et je n'avais rien produit.

Je me souviens bien évidemment que je n'ignorais pas que tout ceci n'était qu'une histoire qui devait en occulter une autre: celle de mon premier achat chez "Rome" et du trouble qui y présida !

Je ne me souviens pas par contre si je suis jamais venu à bout de ces "demeures philosophales" de Fulcanelli - éditée chez Jean-Jacques Pauvert- et que je n'avais pu voir ailleurs que dans sa vitrine, car la vitrine de Jean était pour moi, passant fidèle, comme un enseignement qui en même temps qu'il me fascinait me renvoyait à mes propres insuffisances et à ma condition : celle de celui qui ne se trouvait pas issu du sérail et cette vitrine était ainsi un mur (ce miroir) que ce mystérieux Fulcanelli, inconnu de la plupart, avec son défaut de notoriété allait m'aider à franchir. Car qu'aurais-je eu à dire alors de Sartre, de Vian, de Beckett et tant d'autres qui étaient alors au firmament et dont je n'avais jamais lu le moindre mot et je ne parle bien sûr pas d'André Hardellet dont je ne connaissais même pas le nom alors que son "lourdes et lentes" défrayait la chronique … et dont Maguy m'a dit, il y a peu l'admiration que Jean pouvait lui vouer !

Je me souviens donc de la gêne que j'éprouvais à forcer cette porte- la mienne, tout intérieure on l'aura compris - et à franchir ce seuil après, sans doute, avoir attendu "comme à l'écluse que le silence monte en moi" comme écrirait l'ami Manier … et je me souviens d'avoir retrouvé là, qui à ce moment la vraie raison qui, suite à la demande de Maguy, m'empêchait de parler de Jean Rome, de franchir son seuil. Quel était mon droit à le faire, ma légitimité, et au cas où je m'y serais mis la maigre chance de sortir du lieu commun de "l'alibi culturel clermontois", alors que pour moi Jean se trouvait aussi et surtout dans un ailleurs dont il ne parlait pas, et que personne ne se serait risqué à évoquer car la chose était peu tendance. Alors que je le crois sincèrement Rome bien malgré lui n'avait jamais cherché à être à la mode et je ne voulais pas contribuer sans doute à ce qu'il le soit ne fusse qu'une soirée.

Alors, ne rien faire, d'accord, mais quoi faire quand même: voilà un peu comment résumer le dialogue avec moi-même ! C'est ainsi que, si près de la cathédrale, dans cette, librairie - sacristie où se célébrait en permanence la religion de tous les livres, par une nuit glaciale d'hiver et alors que Fulcanelli n'y était cette fois pour rien, comme du pain béni j'ai rencontré les clichés que nous regardons en ce moment même - ou que nous allons voir - et j'ai communié de manière si bavarde -comme ça peut m'arriver- sous de drôles d'espèces que les drôles de paroissiens qui se trouvaient là ce soir, Maguy, … et Philippe Bohelay jugèrent qu'il passait quelque chose entre moi et l'au-delà inconnu de cet Autre ! Mais que pouvait-il donc passer ? Quels étaient les passages et les passeurs et vers où les pas de ce grand marcheur en quête du "secret de ses jours" devait s'être hasardé dans des ailleurs où Léon Paul Fargues ne s'était lui-même jamais aventuré.

M'a fallu alors que je me souvienne (que me revienne) le souvenir dans ces parages de ce micro tendu pour un pays d'ici où agacé pour répondre à un journaliste revenant encore sur "la cité noire" j'avais risqué pour caractériser notre ville la métaphore de l'enveloppe noire gonflée de souffle que j'empruntais certes à la chambre à air -ou au pneumatique- mais que je prêtais aussi à la cathédrale devenue personnage, mais aussi à Blaise Pascal à jamais vécu comme un frère. Je ne peux certes pas imaginer, au contraire d'un Bergougnoux, que Rome n'aima pas cette ville, sa ville même, à l'ombre austère des deux flèches qui depuis longtemps (plusieurs générations) constituaient l'horizon familial, mais à l'instar de Blaise je le devine tendu entre deux exigences, deux tensions, deux tendresses entre deux fuites dont une seule semble le plus souvent retenir l'attention et dont pour ma part je n'ai rien à dire !… - qui le laissèrent sans doute moins au repos qu'il n'aurait pu le laisser paraître, lui qui donnait toujours si largement de son temps à l'écoute de l'autre !

Vont venir après :

1/ les enveloppes familiales
2/ les enveloppes amicales et amoureuses
3/ la présence (permanence) au grand mongol et aux vies minuscules
4/ l'absence de la mère !

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