jeudi 10 décembre 2009

J'avais souhaité que l'on me fasse un signe …

En envoyant le conducteur aux intervenants sur le "voyage d'hiver à pied" de dimanche qui vient- toujours "un peu" inquiet dans ces circonstances, j'avais souhaité qu'ils me fassent un signe pour me rassurer en quelque sorte,! Pouvais-je imaginer qu' il en serait un aussi fort et touchant … après lui, entraînée par lui une cascade de signes… le présage de ce qui sera partagé dimanche entre autre et d'abord…
Accompagnant le tout un choix de phrase de Christian Bobin dans ressusciter justement, et ça donne :

RESSUSCITER de Christian Bobin

" J’aimerais tellement aimer ceux que je vois – mais pourquoi sont-ils si peu présents à eux-mêmes ?

Mon cœur ne s’éveille que rarement, mais quand il le fait, c’est pour bondir aussitôt sur l’éternel comme sur une proie de choix.

Ils se vantent d’avoir l’esprit libre, et lorsqu’on leur parle de Dieu, deviennent aussi furieux qu’un chien tirant sur sa chaîne au passage d’un vagabond.

L’homme dont on parle quand on parle de mes livres n’existe pas.

J’aurais aimé passer ma vie à ne dire un mot ou juste les mots nécessaires à la venue de l’amour et de la clarté, très peu de mots en vérité, beaucoup moins que de feuilles sur les branches du tilleul.

Il n’y a pas de plus grand malheur sur cette terre que de n’y trouver personne à qui parler et nos bavardages, loin de remédier à ce silence, ne font la plupart du temps que l’alourdir.

Toute rencontre m’est cause de souffrance, soit parce qu’elle n’a lieu qu’en apparence, soit parce qu’elle se fait vraiment et c’est alors la nudité du visage de l’autre qui me brûle autant qu’une flamme.

La terre se couvre d’une nouvelle race d’hommes à la fois instruits et analphabètes, maîtrisant les ordinateurs et ne comprenant plus rien aux âmes, oubliant même ce qu’un tel mot a pu jadis désigner.

Quand quelque chose de la vie les atteint malgré tout – un deuil ou une rupture -, ces gens sont plus démunis que des nouveaux-nés. Il leur faudrait alors parler une langue qui n’a plus cours, autrement plus fine que le patois informatique.

Nous nous faisons beaucoup de tort les uns aux autres et puis un jour nous mourrons.

La plupart perdent leurs âmes quand ils entrent dans le monde, aussi facilement qu’on perd un livre dans un déménagement.

Quinze secondes de pureté par-ci, dix autres secondes par-là : avec un peu de chance il y aura eu dans ma vie, quand je la quitterai, assez de pureté pour faire une heure.

Le théâtre c’est simple : tu t’assieds dans le noir et tu écoutes la lumière.

J’ai tout misé sur un amour qui ne peut entrer en ce monde même s’il en éclaire chaque détail.

Une cinquantaine d’étourneaux sont passés entre le tilleul et la fenêtre, comme une volée de pierres lancées par la main d’un géant.

Je ne sais plus qui j’ai rencontré hier.

Nous avons échangé quelques mots comme on soulève son chapeau devant un convoi funéraire puis nous nous sommes quittés.

La plupart des rencontres que je fais ne laissent aucune trace dans ma mémoire.
C’est qu’elles n’ont eu lieu qu’en apparence.
Nos images se sont parlé mais pas nos cœurs.

S. est en proie à la maladie de la perfection.
Elle pense que tout ce qu’elle fait est incomplet, mauvais, raté.
Elle voudrait qu’une seconde vie lui soit donnée comme un beau papier
Blanc sur lequel elle pourrait recopier la première, en lui enlevant
Ses tâches et ses ratures.
Elle ne voit pas que le brouillon, c’est la vie même.

Que les gens disparaissent est au fond moins surprenant que de les voir
Apparaître soudain devant nous, proposé à notre cœur et à notre intelligence.
Ces apparitions sont d’autant plus précieuses qu’elles sont infiniment rares.

La plupart des gens sont aujourd’hui si parfaitement adaptés au monde
Qu’ils en deviennent inexistants.

Il n’y a pas d’autre consolation que la vérité.

Un rouge-gorge, au pied du tilleul joue à la corde avec un rai de lumière.

Les nouveaux-nés tiennent Dieu captif à l’intérieur de leurs petites mains closes.

P146

J’ai enlevé beaucoup de choses inutiles dans ma vie et Dieu s’est approché pour voir

Ce qui se passait.

P 155 … depuis toujours je multiplie les ruses pour ne pas trahir mon absence à un monde dont je n’ai jamais compris ni les affaires qui l’occupent ni les plaisirs qui le reposent … J’ignore s’il s’agit d’une grâce ou d’une infirmité. Je sais seulement qu’il m’est impossible de vivre dans un monde auquel je ne crois pas.

Chacun de nous naît avec une tâche solitaire à remplir et ceux qu’ils rencontrent l’aident à l’accomplir ou la lui rendent encore plus difficile : malheur à qui ne sait pas distinguer les uns des Autres.

Ne croyez pas que je sois bon, sage ou même intelligent, croyez seulement à ce que j’ai vu car je l’ai réellement vu."

Aucun commentaire: