lundi 6 février 2012

Pour saluer Melville …

Pour répondre à la demande de Gaston Gallimard de rédiger une préface à la traduction de Moby Dick à laquelle il avait participé et qui fut publiée en 1941, Jean Giono a pondu un livre : " Pour saluer Melville " à la mesure de l' admiration qu'il portait à l' auteur américain … Et c'est ainsi qu'un cachalot blanc accoucha de deux chefs d' œuvre ! 



Il serait juste d'y associer un troisième, celui que John Huston réalisa pour le cinéma et que le " Cercle des Amis du cinéma " invite à voir ou à revoir jeudi au Capitole à 20 heures.




Une communication d' Hubert Nyssen à propos de ce " travail " de Giono - à trouver sur internet- sous le titre de " Enquête sur trois mille pages de Giono soustraites à l'édition " est passionnante .  
De sa" fréquentation " d' Herman Melville, Giono écrira lui-même :

" La traduction de Moby-Dick, de Herman Melville [...], commencée le 16 novembre 1936 a été achevée le 10 décembre 1939. Mais, bien avant d'entreprendre ce travail, pendant cinq ou six ans au moins, ce livre a été mon compagnon étranger. Je l'emportais régulièrement avec moi dans mes courses à travers les collines. Ainsi, au moment même où souvent j'abordais ces grandes solitudes ondulées comme la mer mais immobiles, il me suffisait de m'asseoir, le dos contre le tronc d'un pin, de sortir de ma poche ce livre qui déjà clapotait pour sentir se gonfler sous moi et autour la vie multiple des mers. Combien de fois au-dessus de ma tête n'ai-je pas entendu siffler les cordages, la terre s'émouvoir sous mes pieds comme la planche d'une baleinière ; le tronc du pin gémir et se balancer contre mon dos comme un mât, lourd de voiles ventelantes. Levant les yeux de la page, il m'a souvent semblé que Moby-Dick soufflait là-bas devant, au delà de l'écume des oliviers, dans le bouillonnement des grands chênes. Mais, à l'heure où le soir approfondit nos espaces intérieurs, cette poursuite dans laquelle Melville m'entraînait devenait plus générale en même temps que plus personnelle (...) 
Jean Giono.




Autre texte aussi singulier qu'extraordinaire de Jean Giono qui emprunte beaucoup à la mer alors qu'il n'a lui même jamais navigué : " Fragments d'un Paradis ". Comme l'écrit Poirot-Delpech : " Qu'est ce que la " vraie mer "sinon celle qu'on porte en soi jusqu'à se faire porter par elle, et que lève la houle des mots ! "






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